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Commission Uber/taxi à Bruxelles : qu'avons-nous appris ?




Les deux dernières auditions dans le cadre de la commission spéciale Uber du Parlement bruxellois auront lieu ce jeudi, convoquée en réponse aux « Uber Files »… ou « taxi files ». Tout dépend de la manière dont les évènements sont perçus. Plusieurs partis politiques ont senti le vent venir lorsque les « Uber Files » ont été publiés, faisant état des pratiques de lobbying de la multinationale américaine. La preuve irréfutable !  L’enquête sur l’affaire initiée par une commission est sur le point de prendre fin. Qu'avons-nous appris ? Premièrement, il est question d’un lobby des taxis et d’un contre-lobby d'Uber. Deuxièmement, le secteur des taxi et Uber ont tous les deux fait preuve d'une grande créativité quant à l’application de la loi. Troisièmement, il y a beaucoup de questions éthiques à se poser sur les implications politiques d'une partie du secteur des taxis et des méthodes d'Uber... mais pas d'infractions pénales.

L’historique

Le secteur des taxis à Bruxelles existe depuis de nombreuses années. Le nombre de taxis qui circulent détermine l'offre et, évidemment, la rentabilité et le prix d'une course. Et c'est là que le bât blessait, même bien avant qu’Uber soit créé. Les chauffeurs de taxi avaient une licence au nom de la Région. Peu à peu, une pratique de transmission s'est développée, voire de revente de licences par la revente d’entreprises. Une solution, pour le moins, créative. Cela a permis de donner une valeur marchande à la licence. L'acheteur devait pouvoir amortir cet achat. L'augmentation du nombre de taxis réduisait la valeur marchande. Du point de vue de la mobilité, la Région tirerait profit de plus de taxis plus fluides… contrairement au secteur même. Un lobby puissant au sein du secteur des taxis s’est donc créé pour maintenir ce système corporatiste. Je ne juge pas, je constate.

Plates-formes

Ensuite, les plates-formes sont apparues dans le monde entier. Elles ont cherché, ville par ville, des possibilités d’ouverture du marché, tout en essayant de respecter le cadre réglementaire. À Bruxelles, cela s'est fait par le biais du secteur LVC, ou bien la « location de voiture avec chauffeur ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que la créativité a primé. Ils bénéficiaient d’un lobby très puissant derrière eux, mais plus que tout, le public et de nombreux conducteurs venaient appuyer et confirmer un succès naissant. Cela a fonctionné. Le système a été adopté. Mais ce n’était pas non plus ce que la Région avait en tête, dans l'intérêt de la mobilité. Pour améliorer la mobilité à Bruxelles, la Région voulait réformer l'ensemble du secteur, et cela depuis plus d'une décennie.

Nous voilà donc en 2014-2015, avec deux systèmes traitant la loi sur les taxis de manière créative, ainsi que la législation sociale, les statuts, la législation sur la TVA... Deux lobbies, l'un contre l'autre, qui tentent d’influencer la politique et l'opinion publique, mais également un secteur corporatiste en difficulté, qui doit s'opposer à un nouveau système innovant séduisant les clients.

En d’autres termes : deux lobbies

Le lobbying a été vigoureux. Par contre, jusqu'à nouvel ordre, il n'y a pas eu d'infraction pénale. Le ministre de la Justice a déjà informé la Chambre qu'il n'y avait pas de dossier. Il est donc particulièrement important que la commission Uber ou, compte tenu de l'analyse et du déroulement des auditions, la commission Uber/taxi, expose les modalités du lobbying pour mieux le comprendre et, le cas échéant, en tirer des leçons. Le lobbying d'Uber a déjà été largement relayé par la presse. A Bruxelles, il était agressif, mais inefficace. Le ministre compétent voulait une réforme, quoi qu’il arrive. Cela a même été confirmé par Michel Pêtre de Taxis Verts et Khalid Ed-Denguir de la Fédération belge des taxis. Les efforts de lobbying d'Uber n'ont pas eu de répercussions à Bruxelles. Par contre, la commission a révélé comment le lobby des taxis a réussi, de manière déraisonnable, en ce qui me concerne, à bloquer la réforme du secteur – plus que nécessaire – pendant 10 ans. En 2018, bien avant les Uber Files, nous pouvions lire dans la presse que certains politiciens exigeaient une compensation entre 60 000 et 80 000 euros par licence existante en cas d'ouverture du secteur. Comment cela a-t-il pu se produire ?

Commission spéciale Uber

Dès 2014, l’Open Vld était en faveur de la création d’un nouveau cadre clair pour le secteur des taxis, équitable sur le plan social et fiscal, adapté à une métropole moderne. Pourquoi cela n'a-t-il pas été possible ? Pourquoi cette réforme a-t-elle été freinée ou retardée ? Pourquoi l'amélioration de la mobilité urbaine n'était-elle pas la priorité ? Voici les questions qui m'intéressent. La preuve irréfutable que devait représenter « Uber Files » était un échec. Mais en révélant l'enchevêtrement du secteur des taxis avec la politique, la commission a mis en évidence l'autre pendant du jeu de lobbying, comme nous le soupçonnions déjà. En ce sens, le jeu en valait peut-être la chandelle et de ce fait, cette commission Uber/taxi n’a pas complètement été inutile. Ce qui est désormais plus important, c’est que nous placions la mobilité au premier plan. Ceci permettra à la nouvelle législation, pour laquelle nous, en tant qu’Open Vld, avons fait pression, d'aboutir.

Carla Dejonghe

Députée bruxelloise pour l’Open Vld