Les news

Le budget a été voté ! Khadija Zamouri et Carla Dejonghe regardent en arrière.




PARLEMENT BRUXELLOIS - Carla Dejonghe: Nous avons discuté du (ou plutôt des) budget(s) pendant un mois. Je voudrais revenir sur 3 choses aujourd'hui : le premier jour des discussions, la présentation en commission Finances et l’explication de la dette. Je le fais chaque année, car c'est alors que nous pouvons communiquer l'essentiel. Il s'agissait de la quatrième présentation du budget au cours de cette législature. Ce 4ème schéma est conforme à la trajectoire budgétaire convenue. Un accord passé en 2020 lors de la formation du gouvernement. COVID, l'Ukraine, la crise énergétique et l'inflation qui l'accompagne ont jeté un pavé dans la mare. Cela aggrave évidemment la dette de la Région, mais ces interventions ne sont pas structurelles. Au cours des trois dernières années, nous avons suivi la trajectoire et effectué les coupes nécessaires dans le budget structurel. L'objectif reste de parvenir à un budget structurellement équilibré en 2024. Quant aux investissements stratégiques - et au métro en particulier - le prochain gouvernement devra prendre des décisions. Mais l'actuel ministre du Budget a déjà donné des pistes pour les faire entrer progressivement dans le budget. J'aime répéter cela car c'est l'essence de toute cette histoire.

 

Il n'y aura de marge d'investissement à l'avenir que pour les défis gigantesques à venir en matière de climat, de transition économique et de services sociaux. Notamment en matière de logement... Dans la mesure où nous respectons cette trajectoire d’aujourd'hui.


Mais d'abord la dette. En commission, nous avons reçu une explication détaillée de la dette et de sa viabilité.

Lorsqu’on parle de gestion de la dette à Bruxelles, on peut parler d’« état de l’art ». C'était évident ces dernières années. C'est encore plus le cas cette année.  Par ailleurs, n'oublions pas que sur l'encours de la dette directe de la Région, 92,7% sont des dettes à long terme (pour une durée de 25-30 ans), dont 93,9% ont été empruntées à des taux d'intérêt fixes, ce qui assure une certaine protection.

Ces investissements sont également porteurs de croissance et sont surtout écologique. La plupart de ces fonds sont consacrés à l'écologisation de la mobilité et à la réduction des embouteillages, et sont donc définitivement porteurs écologiques de croissance. Si nous ne recherchons pas la croissance économique par des réformes vertes de notre économie aujourd'hui, je ne sais pas quand nous le ferons. La transition économique est plus que jamais au centre des préoccupations politiques. Encore une fois, je reviendrai sur ce point dans un instant.

La dette est gérable. L'augmentation de la charge de la dette reste inférieure à l'augmentation des recettes régionales. Nous restons donc loin d'un effet boule de neige. 

 

Et maintenant, les deux questions sur lesquelles j'allais revenir. 

Comme les années précédentes, j'ai choisi d'utiliser mon temps de parole pour aborder certains concepts et méthodes qui sont très importants pour notre groupe, plutôt que d’expliquer, domaine par domaine, ce que nous aimons et n'aimons pas dans le budget. C'est à cela que sert le travail dans les commissions. Donc : 2 points. 


Premièrement : la responsabilité collective du gouvernement, de la majorité et du Parlement, pour continuer à respecter le plan gouvernemental à l'avenir.

Nous devons la gestion « de pointe » de la dette aux gouvernements précédents ; Simonet, Picqué, Vervoort, chacun avec notre premier vice-président actuel Guy Vanhengel comme ministre du Budget.  L'avenir de la contrôlabilité des dépenses et donc de l'accumulation de la dette a, à notre avis, été initié par l'actuel gouvernement Vervoort, avec notre actuel ministre du Budget Sven Gatz, et la formule magique des « spending reviews ». Nous devons répéter ce concept jusqu'à ce qu'il devienne automatique. La révision des dépenses est la prochaine étape, dans laquelle chaque ministre dans son domaine devient son propre ministre du Budget. Ce ne sont pas mes mots. C'est la formule utilisée par Koen Algoed, haut fonctionnaire flamand, lors d'un débat que nous avons récemment organisé en tant qu'Open Vld Brussels sur la révision des dépenses. « Chaque ministre est son ministre du Budget » était la citation mémorable ! Koen Algoed est le fonctionnaire qui a introduit cet instrument dans l'administration flamande : le « Brede heroverweging » flamand, comme on l'appelle (qui, soit dit en passant, est un mot que nous avons adopté des Pays-Bas et qui désigne un certain nombre d'examens de dépenses ou de « spending reviews » effectués en même temps). Les Flamands sont un peu comme les Québécois. Ils n'adoptent une nouvelle idée que lorsqu'ils ont trouvé leur propre mot flamand pour la désigner. Les Québécois pourraient appeler cela une « réconsidération budgétaire » ? Je n'ai pas vérifié. Quoi qu'il en soit... Les revues dépensières nous sont recommandées depuis l'Europe, et bientôt imposées. Nous voulons être les premiers à les avoir mises en œuvre, car nous savons qu'il s'agit d'une approche totalement nouvelle de la politique budgétaire. Nous allons ainsi constamment évaluer et remettre en question l'efficacité des choix budgétaires que nous faisons.

 

Je ne me fais pas d'illusions, la méthode prendra du temps. Le bon exercice approfondi sur le theme du logement le démontre également. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les politiques changent de cap en un instant, et à ce que tous les projets en cours soient mis en attente pour faire face à une voie différente. Mais cet examen des dépenses est là, et servira certainement de pierre de touche dans les années à venir, notamment lors de toute négociation ultérieure pour un gouvernement. C'est aussi le but de ces exercices. Aux Pays-Bas, par exemple, il est d'usage que l'administration se livre à de tels exercices, entre autres comme devoirs avant l'entrée en fonction d'un nouveau gouvernement. Je pense que ces exercices ont enclenché une nouvelle dynamique : les choix budgétaires restent des choix politiques bien sûr, mais nous allons pouvoir nous débarrasser de beaucoup de lest, ou de « fausses bonnes idées », c'est-à-dire de coteries budgétaires qui ont grevé le budget pendant des années. C'est un exercice important.

 

Cet exercice a été lancé par le gouvernement, avec l'aide de l'Europe. On peut se demander si cet exercice ne devrait pas être la tâche du Parlement, ou plutôt de la Cour des comptes, au service du Parlement. Après tout, si la Cour des comptes peut procéder à des évaluations des politiques, un examen des dépenses (spending review) va plus loin et identifie également une série d'options de réforme.

 

Voilà pour le 1er point en termes de méthode, que notre groupe a voulu mettre en avant.

 

Le 2e point est l'innovation.

Un bon article est paru récemment dans Bruzz, intitulé : « Le vélo est la nouvelle voiture : comment le longtail conquiert la ville » (« De fiets is de nieuwe auto: hoe de longtail de stad verovert »). Les longtails, ou les vélos rallongés, sont des vélos électriques équipés de sièges pour enfants que l'on voit apparaître un peu partout. Comment je l'ai lu : 30 ans de lobbying en faveur du vélo, de sensibilisation, parfois de moralisation des conséquences écologiques de la voiture, n'ont pas permis de réaliser ce que la technologie des batteries a réalisé en à peine cinq ans : la percée du vélo dans une ville vallonnée comme Bruxelles. L'innovation a prévalu dans cet exemple. 30 ans de sensibilisation (souvent avec des arguments justifiés) ont même, comme le souligne joliment l'article, eu un effet contre-productif. L'utilisation de la bicyclette a été affublée de l'étiquette de « bobo ».

 

La morale de l'histoire ? Ne devrions-nous pas nous concentrer davantage sur l'application de l'innovation, plutôt que sur la sensibilisation ? Le pragmatique dit alors que les deux sont effectivement importants !  Peut-être devrions-nous simplement inverser le ratio : 80% d'innovation, 20% de sensibilisation. Nous devenons prospères, et notamment respectueux du climat, en étant intelligents, plutôt qu'en faisant la morale.

 

Lors des nombreuses visites d'entreprises que nous effectuons en tant que groupe politique, c'est déjà ce que nous constatons. Il y a énormément d'innovation à Bruxelles. Nous soutenons également bien cette innovation, via Innoviris, via Finance & Invest, via hub.brussels. Mais qu'est-ce qu’il se passe ensuite... ? Lors de nos visites, nous avons souvent eu l'impression que la politique menée à différents niveaux est encore souvent très volontariste, mais aussi très classique, et peut-être même très sensibilisatrice, plutôt qu'innovante. Dans un bel article de Trends, j’ai lu que Bertrand Piccard a dit, de manière un peu caricaturale, à propos de la COP27 : « Quand je suis trop déprimé par les discours politiques, je me tourne vers les entrepreneurs et les industriels. » Le journaliste cite ensuite François Gemenne, qui fait sûrement autorité en matière de politique climatique, et qui affirme que les entreprises sont aujourd'hui mieux placées pour apporter des réponses aux défis climatiques.

 

Les nombreuses visites d'entreprises nous ont déjà donné, à moi et à mes collègues, un regain d'optimisme. Il y a beaucoup de potentiel dans notre ville. Ce n'était pas convenu, mais ma collègue Khadija a apparemment ressenti les mêmes émotions car elle a également voulu dire quelques mots sur nos visites d'entreprises.


Khadija Zamouri: Pour mon intervention j’ai choisi une visite en particulier. Ces dernières années, lors de nos discussions au Parlement, nous nous sommes habitués aux histoires d’un tel qui a rencontré Mohammed lors d'une manifestation et qui ne peut pas payer ses factures, d’une telle qui a parlé à Marie qui n'arrive pas à joindre les deux bouts avec ses allocations, et ainsi de suite. Mon histoire est celle de Frédéric, un entrepreneur qui emploie 20 personnes, et qui dit au départ qu'il ne connaît rien à l'économie. Mais qui sait très bien ce qu'il fait. Ce sont les meilleurs.

 

La crise énergétique le terrifie. En tant que petit joueur, il ne peut pas négocier sa facture d'énergie. C'est difficile. Mais malgré la crise, il ne trouve pas de personnel. Il ne comprend pas comment il est possible que les personnes qui viennent s'inscrire soient mieux loties avec des allocations que de se lever tôt tous les jours et de venir travailler pour lui.

 

Il est, ce que j'appelle, un entrepreneur social, comme tant d'autres entrepreneurs, qui veut aider à former son personnel, qui fait un effort supplémentaire pour recruter des personnes handicapées, qui applaudit spontanément la politique de diversité d'Actiris et est heureux d'être aidé, qui accueille à bras ouvert la politique de diversité de la ville, qui me félicite en passant pour la victoire du Maroc contre le Portugal pendant la Coupe du monde (ce qui est, soit dit en passant, l'avantage de nombreux Bruxellois ici ; avec notre diversité, nous pouvons soutenir plus d'une équipe J), qui demande une bonne éducation et une formation pour les jeunes qui traînent dans son quartier... Un entrepreneur à vocation sociale, soucieux de son personnel, de son quartier et de sa ville. 

 

Mais le fait que des gens qui sont parfaitement capables de travailler ne soient plus encouragés à le faire... je ne le comprends pas.

 

Frederic sait très bien pourquoi l'indexation automatique des salaires a lieu. Après tout, même si c'est dur pour lui, c'est bon pour son personnel, qui passe par des moments difficiles aussi ... mais pour ces personnes qui préfèrent rester chez elles plutôt que d'aller travailler, alors qu'elles sont parfaitement capables d’accepter un boulot, cela est très mal pris par tous ces nombreux entrepreneurs qui ne trouvent pas de personnel malgré la crise. Ils ont le sentiment d’être punis deux fois : par les impôts qu'ils paient, et par le fait qu'ils ne peuvent pas réaliser le chiffre d'affaires qu'ils souhaitent en raison du manque de personnel.

 

Politiquement parlant, tout n'est pas aussi noir et blanc. Il existe une énorme inadéquation entre les profils des demandeurs d'emploi et la demande du marché du travail. De nombreuses formations sont nécessaires pour remédier à cette situation, mais le sentiment général de nombreux entrepreneurs est que les politiques d'activation pourraient, et devraient, être un peu plus strictes. Il se trouve que c'est également la position de mon groupe. Je pense qu'Actiris, mais aussi les nombreux services ISP des CPAS, doivent trouver des réponses à cette question, en collaboration avec Bruxelles-Formation, le VDAB, les partenaires sociaux. Formation ciblée et activation obligatoire.

 

Il ne s'agit certainement pas d'une critique à l'égard du ministre compétent du Travail et de l'Emploi. Il s'agit plutôt d'un encouragement, d'une preuve de soutien de notre groupe pour stimuler le taux d'emploi dans notre ville.

 

Et au secrétaire d'État à l'Economie, je voulais adresser les mêmes encouragements. Dans cette entreprise (comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs), je vois des entrepreneurs socialement responsables, qui accuiellent la diversité à bras ouverts, qui veulent lutter contre la discrimination, qui sont même conscients de leurs préjugés inconscients, qui mettent en place leurs propres programmes pour atteindre les groupes défavorisés ; qui veulent donner une chance aux jeunes des quartiers, aux réfugiés politiques, aux anciens détenus, aux personnes souffrant d'un handicap physique ou mental, et ainsi de suite.

 

Beaucoup de choses sont possibles au sein de notre tissu économique existant, lorsque les entrepreneurs prennent un engagement social. Il n'est donc pas nécessaire de passer par des organisations à but non lucratif, des coopératives ou de nouveaux modèles économiques inspirés de l'idéologie et de la théorie. Le bon vieux capitaliste n’existe plus.  L'entrepreneur moderne qui veut diriger une entreprise fait souvent déjà la différence en termes d'innovation ; sociale et technique. Nous devons détecter, reconnaître, mettre en valeur et soutenir cet esprit d'entreprise socialement responsable. Elle abonde.

 

Monsieur le Président, chers collègues, c'est ce que je voulais ajouter à cette discussion sur le budget au nom de notre groupe. Deux accents libéraux, donc : activer le marché du travail et soutenir la dynamique vertueuse de notre économie et de nos entrepreneurs.