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Carla Dejonghe parle de l’égalité entre femmes et hommes dans la politique



Le 14 novembre 2018, la députée bruxelloise Carla Dejonghe représente le Conseil de l'Europe lors d'une conférence internationale à Tunis sur le projet PARFAIT de l'ALDA (l’Association européenne de la démocratie locale). Le politicienne libérale y parle de l’égalité entre les femmes et les hommes, et plus spécifiquement dans la vie politique. Le projet PARFAIT met l'accent sur la participation des femmes pour l’avancement et l'innovation de la Tunisie. Vous pouvez lire le discours intégral de Carla Dejonghe ci-dessous.

Mesdames, Messieurs,

C’est un plaisir pour moi de représenter le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe aujourd’hui. Je profite de cette occasion pour remercier les organisateurs de cette Conférence pour leur invitation et pour adresser toutes mes félicitations aux participantes au projet PARFAIT!

Les liens qui unissent le Congrès et l’ALDA sont très forts et très anciens, et je me réjouis que nous puissions unir nos forces sur une thématique particulièrement importante pour le Congrès et chère à mon cœur: celle de l’égalité entre les femmes et les hommes, et plus spécifiquement dans la vie politique. L’égalité des genres et l’autonomisation des femmes ne sont pas seulement des principes essentiels: ce sont également des conditions essentielles à toute société démocratique, juste et pacifique. 

Au sein du Conseil de l’Europe, le Congrès traite des questions d’égalité des genres et de la participation active des femmes aux niveaux local et régional depuis plus de 20 ans. Ce n'est pas surprenant: en effet, tous nos membres sont des élus, ce qui signifie qu’ils sont directement responsables devant les citoyens qui les ont choisis et qu’ils sont en charge de leur bien-être. La moitié de ces citoyens sont des femmes, dont la contribution à tous les niveaux – économique, politique, social, ou encore culturel - double le potentiel de toute communauté.

Permettez-moi de vous présenter en quelques mots l’institution que je représente aujourd’hui: le Congrès est une assemblée politique composée d’élus locaux et régionaux, de maires, de conseillers, qui travaillent ensemble à l’avancement de la démocratie territoriale dans les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.

Son activité principale est le renforcement de la démocratie locale dans les Etats membres par le biais du monitoring de la Charte européenne de l’autonomie locale, traité de référence en matière de gouvernance locale qui garantit les droits des collectivités et de leurs élus.

Le Congrès fonctionne également comme une plateforme dynamique de réflexion politique sur le rôle des collectivités face aux principaux défis actuels: lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, prévention de la corruption et promotion de l’éthique publique, ou bien encore accueil et intégration des réfugiés et des migrants.

L’une des constatations issues de tous ces travaux est que les difficultés sont similaires pour tous les élus locaux, quels que soient la collectivité ou bien l’état concernés. Certains défis traversent les frontières: celui d’une exigence de plus grande transparence dans la gouvernance, celui de l’engagement de TOUS les citoyens et les citoyennes…

Le Congrès s’engage d’ailleurs en son sein pour l’égale représentation des genres puisqu’il a instauré des quotas visant à assurer au moins 30% de représentation du sexe sous-représenté comme condition préalable à l'approbation des pouvoirs des délégations nationales. Aujourd’hui, la participation de facto des femmes dans les délégations est de 42%.

Nous sommes convaincus, au Congrès, que le niveau local offre de meilleures chances de changement et de participation des femmes dans les exécutifs municipaux ou régionaux. C'est également le niveau le plus propice pour l'implication directe des femmes dans l'administration quotidienne des communautés et pour le développement des talents politiques.

Tous les pays européens ne sont pas exemplaires en matière de représentation des femmes. Preuve en est: cette thématique est encore et toujours une priorité dans mon pays, la Belgique, mais aussi en France ou encore en Allemagne, et également au sein-même du Conseil de l’Europe.

L’organisation vient d’ailleurs d’adopter une stratégie en matière de lutte pour l’égalité femmes-hommes pour la période 2018-2023 qui vise à supprimer les obstacles pour parvenir à l’égalité pleine et réelle entre les femmes et les hommes. L’édition 2018 du Forum Mondial de la Démocratie, qui se tiendra à Strasbourg les 19-21 novembre 2018, sera d’ailleurs consacrée au thème: «Femmes-hommes: même combat?».

Si l’essentiel du travail du Conseil est produit en Europe, il a une vocation et une portée universelles, tout comme les valeurs fondamentales qu’il promeut: droits de l’homme, démocratie et état de droit. C’est pourquoi ce travail vise à être partagé avec tous ceux qui en font la demande, et, en particulier, avec les régions voisines du Conseil de l’Europe. La Méditerranée a longtemps été considérée comme une barrière séparant différents peuples et cultures. Nous savons aujourd’hui qu’elle doit plutôt être considérée comme un pont qui nous rassemble, un bassin d'échanges et de rencontres fructueuses entre les peuples de ses rives.

Le Congrès est convaincu qu'un dialogue renforcé entre les rives de la Méditerranée est la clé d'une meilleure mondialisation pour tous. Cette conviction nous a conduits à la création l'année dernière d'un Programme de Partenariat Sud-Méditerranéen, visant à établir un dialogue privilégié entre les élus locaux européens et leurs homologues au Sud de la Méditerranée. C’est dans ce cadre qu’une série d’activités de coopération a été mise en œuvre en Tunisie en 2017.

La Révolution de 2011 a fait entrer la Tunisie dans une ère nouvelle, déclenchant d'énormes changements et ouvrant la voie à un véritable processus de démocratisation. Les femmes étaient en première ligne lors de ces événements : elles ont fait entendre leur voix pour réclamer plus de démocratie et de justice sociale. Elles ont également exigé des systèmes équitables et ouverts qui respectent et surtout qui appliquent véritablement leurs droits dans la société.

Le chemin parcouru par la Tunisie depuis lors est impressionnant. Permettez-moi de témoigner du soutien et de l’admiration du Congrès pour la Tunisie, pour ses réformes récentes et pour sa volonté sans faille de poursuivre les changements en cours. Les réformes ont permis la mise en place d’un système décentralisé pour rapprocher les décisions des citoyens et de lutter contre la corruption, afin de restaurer, à terme, la confiance entre les citoyens et leurs élus. Le Congrès a d’ailleurs pu s’associer à ce mouvement en contribuant, avec ses membres et ses experts, au Code des collectivités locales finalement adopté fin avril.

La réforme de la décentralisation en Tunisie a également été l’une des clés du renforcement du rôle des femmes. J’aimerais à ce titre souligner la qualité de la loi électorale tunisienne en matière de représentation des femmes, avec ses conditions de parité horizontale et verticale pour la composition des listes électorales. Le Congrès a observé ces élections qualifiées de globalement positives, malgré un taux de participation extrêmement faible. Le chemin vers la parité sera encore long mais les premiers jalons ont bien été posés : 20% des maires de Tunisie sont aujourd’hui des femmes, dont la maire de la capitale !

Les défis sont les mêmes au Nord et au Sud de la Méditerranée. Même si certaines lignes ont bougé et que des progrès substantiels ont été réalisés, de nombreuses barrières demeurent contre l’engagement plein et entier des femmes dans la société. C’est pourquoi nous devons poursuivre ce combat pour l’égalité, et cela n’est possible qu’avec la participation de tous les membres de la société.

Trop souvent, les membres de la famille, les proches ou bien encore les clichés ancrés dans des siècles d’histoire et de tradition et véhiculés par les média sont autant de freins à l’engagement des femmes. Je me réjouis de voir que cette assemblée n’est pas uniquement composée de femmes, comme c’est malheureusement trop souvent le cas lorsque l’on aborde les thématiques de l’égalité de genre. Alors merci, messieurs, pour votre présence et pour votre engagement à nos côtés.

Mesdames et messieurs, chers et chères collègues, chères amies,

Cette conférence intervient à un moment particulièrement opportun: 6 mois après les élections municipales en Tunisie. Alors que la plupart des conseils sont déjà installés, de nombreuses questions se posent très certainement sur la gestion concrète des municipalités. C’est pourquoi je suis particulièrement heureuse d’être avec vous aujourd’hui afin d’échanger et de trouver, je l’espère, des réponses à nos défis communs.

Une fois encore, je félicite toutes les participantes au projet PARFAIT pour le courage, pour la détermination et pour les efforts qu’elles ont fournis. Cette volonté – et les succès de ce projet – sont autant de victoires pour la démocratie tunisienne. La route est encore longue, mais sachez que pouvez compter sur nous, élues européennes, pour vous soutenir dès que cela sera nécessaire, non pas comme des professeurs mais comme des amies qui traversent les mêmes difficultés.

Merci pour votre attention!

Carla Dejonghe

Membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe